Depuis de nombreuses années, des entreprises de modélisation 3D s’intéressent de près à Notre-Dame de Paris. Aujourd’hui, elles pourraient aider concrètement à la reconstruction du monument via des données d’une grande précision. Retour sur les grands sauveurs de Notre-Dame.
La modélisation 3D et le balayage laser sont des techniques de plus en plus largement utilisées dans le domaine du patrimoine et de la culture. Les données issues de ces technologies modernes peuvent, en effet, aider à différents niveaux: restauration et reconstitution… Elles permettent également de déceler les défauts de conception, les ajouts ou encore les anomalies structurelles.
Une maquette numérique en cours
« Depuis 25 ans, AGP représente l’expertise française dans les technologies numériques pour la préservation et la mise en valeur du patrimoine. », précise l’entreprise sur son site internet. Art Graphique et Patrimoine, AGP, est actuellement en charge de la modélisation 3D du monument aujourd’hui partiellement détruit. La fermeture au public au lendemain de la catastrophe n’a pas empêché les équipes de la société de se rendre sur place pour effectuer les premières mesures. « On devait aller vite, avant qu’il n’y ait trop d’étaiements, parce qu’on ne peut mesurer que ce que l’on voit » (Gaël Hamon, fondateur de la société). La vitesse primait sur le reste. La zone sinistrée était au coeur de toutes les attentions.
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Les mesures en question sont en réalité un assemblage de milliards de points récoltés grâce à des lasers 3D. Pour le reste et surtout l’extérieur, ce sont les drones qui ont effectué le travail. Ils ont ainsi survolé la cathédrale afin de mesurer l’ampleur des dégâts.
AGP a « réalisé plusieurs relevés 3D de la cathédrale dans le cadre des travaux de restauration divers depuis 20 ans», explique Pia de Warren, chargée de communication de l’entreprise. Tout d’abord la façade ouest en 1995, puis l’orgue en 2000. Les deux beffrois ont suivi dès 2009/2010. Pour finir, le chevet, la toiture et la flèche avaient été les derniers éléments mesurés, de 2014 à 2016. Les mesures débutées il y a quelques jours termineront, elles, fin 2019.
Cette commande officielle coutera plusieurs de centaines de milliers d’euros, à rapporter sur le budget total de la reconstruction.
Andrew Tallon, le passionné
« J’ai donc commencé à utiliser la technologie pour tenter de faire parler les murs » déclarait avant de mourir Andrew Tallon. Chercheur américain et obsédé par les bâtisseurs de cathédrales et l’architecture médiévale, ce francophile s’attelait dès 2010 à mesurer la cathédrale le plus précisément possible. A l’aide de son Leica Scanstation C10, il mesurait les distances entre chaque mur, chaque recoin et chaque statue. Sur une cinquantaine d’emplacements différents, aussi bien à l’intérieur qu’à extérieur du monument, il a réussi à créer un nuage d’un milliard de points pour, par la suite, cartographier en 3D l’édifice au millimètre près.
La colorisation, dans un second temps, de ces millards de points a permis de constater les moindres défauts du monument. Entre autres, le mauvais alignement des piliers de la façade ouest. Ces mesures seront d’une aide inestimable pour les personnes oeuvrant à la reconstruction de Notre-Dame. En plus d’être précises, elles apportent des informations sur des éléments en hauteur comme la flèche, la charpente ou la toiture, aujourd’hui disparus. Sans doute, cela permettra-t-il de reconstruire la cathédrale à l’identique.
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L’homme qui souhaitait entrer dans la tête des bâtisseurs était déjà à l’origine des maquettes 3D des cathédrales de Chartres, Sens et Bourges.
Ubisoft fait revivre la cathédrale
En 2014, l’éditeur de jeux vidéo Ubisoft faisait revivre dans le cinquième opus de sa série Assassin’s Creed le célèbre monument parisien. Aux lendemains de l’incendie, beaucoup s’étaient demandé si cette maquette de la cathédrale serait utile à sa reconstruction.
La cathédrale a demandé plus de 5000 heures de travail. L’entreprise s’est également aidée de l’expertise de nombreux historiens de l’art pour se rapprocher au mieux de la réalité. Cependant, même si cette reconstitution virtuelle est assez impressionnante, elle témoigne aussi d’une certaine liberté artistique. Il a fallu par exemple rajouter de nombreuses prises afin d’aider le personnage principal à escalader le monument. De plus, cette reconstitution est avant tout le résultat d’un assemblage de prises de vues et non d’un balayage laser. Ce choix rend donc cette restitution moins fidèle à l’aspect réel de la cathédrale. En conséquence, il est peu probable que cette version de Notre-Dame de Paris soit utile à sa reconstruction.