Charpente de Notre-Dame: pourquoi l’option du bois est retenue par l’Ordre des architectes ?

Par Mathilde Lahon 08/01/2020 Chantier

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Le bois, « le matériau le plus moderne, le plus écologique aujourd’hui » a déclaré Eric Wirth, vice-président du conseil national de l’Ordre des architectes à propos de la future charpente. 

La question était au coeur des débats. Quel matériau sera utilisé ? Quelle forme prendra la future charpente ? Huit mois après le drame qui a détruit en partie l’édifice, il semblerait que le chêne soit privilégié par rapport au béton ou au métal. Selon les spécialistes, le bois serait le matériau le plus écologique, le moins cher et le plus adapté à la reconstruction. 

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Le chêne l’emporte sur le métal et le béton

En effet, le chêne possède différents arguments qui plaident en sa faveur. C’est avant tout un bois robuste qui sait résister aux affres du temps. Preuve est faite: la charpente de Notre-Dame de Paris a su tenir 850 ans avant de s’écrouler, mangée par les flammes. Sans l’incident, elle aurait pu tenir encore au moins mille ans, assure Bernard Thibaut, spécialiste de la biomécanique de l’arbre au CNRS. Ses caractéristiques sont le fruit de millions d’années d’évolution.

La charpente de Notre-Dame de Paris
Charpente en bois de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Bernard Hasquenoph / Wikipedia

Le bois est un matériau à la fois souple mais résistant et isolant. Il est également capable de résister aux insectes s’il est tenu à l’abri de l’humidité. De plus, à la différence du métal qui fond, se tord et menace de s’écrouler à n’importe quel moment en cas de fortes températures, le bois peut résister plusieurs heures face aux flammes. Cela a, entre autres, permis aux pompiers de sauver de nombreux objets restés au sol de l’édifice alors que la toiture disparaissait petit à petit.

La charpente en chêne, matériau le plus écologique

Par ailleurs, il est important de noter que la future charpente ne demandera pas d’abattre une forêt entière de chênes centenaires. Pour rassurer les sceptiques, les chênes qui serviront n’auront qu’entre 30 et 40 ans. Il n’y aura que très peu d’arbres centenaires abattus. Ces derniers serviront à la fabrication des poutres principales, maîtresses, en nombre très réduit donc. Au XIIIème siècle, lors de la construction de la charpente initiale, les chênes utilisés avaient moins de 60 ans, ce qui équivaut à un diamètre de tronc de 25 à 30 cm.

Finalement, cela équivaudrait à abattre 3 hectares d’arbres, qui seront immédiatement replantés. Bernard Thibaut ajoute « de nombreux propriétaires forestiers ont déjà fait savoir être prêts à donner leurs plus beaux arbres ». L’écologie sera donc au coeur du processus de reconstruction de la charpente. Puis les arbres seront analysés à l’aide de technologies modernes pour s’assurer de leur bon état interne avant d’être déposés sur le parvis de la cathédrale. Ils y seront alors immédiatement équarris, c’est-à-dire dégrossis par artisans et compagnons. Il n’y aura pas de temps de séchage, exactement comme cela se passait au Moyen Âge.

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Frédéric Épaud précise « Les documents à notre disposition et les études des autres grandes charpentes du XIIIe siècle permettent de répondre à certaines questions. Les bois utilisés dans les charpentes médiévales ne furent jamais séchés pendant des années avant d’être utilisés, mais taillés verts et mis en place peu après leur abattage ».

Plusieurs troncs d'arbre
© Maciej Ostrowski

Une fois les poutres taillées en suivant les règles établies par les bâtisseurs de cathédrales, la charpente sera montée au sommet de l’édifice pour y être installée de manière pérenne. Si les chênes sont abattus cet hiver, la charpente de la cathédrale peut être reconstruite pour l’été 2022, cela est un travail relativement rapide. « La construction de sa charpente du XIIIe aurait réclamé seulement 19 mois de travail pour une équipe de 15-20 charpentiers, de l’équarrissage des 925 chênes au levage des fermes. » comme explique Frédéric Épaud. À cela, Eric Wirth prévient que le délai imposé par Emmanuel Macron, c’est-à-dire que la cathédrale devait être reconstruite pour 2024 constituait « un objectif mais pas un impératif ».

Pour les épauler, les artisans et charpentiers disposent de relevés millimétriques très précis de la charpente ainsi qu’une maquette numérique.

Les apprentis Compagnons du Devoir ont déjà réalisé pour les besoins d’un projet pédagogique une maquette de la charpente de la cathédrale, à 75% de sa taille réelle. Elle sera visible au mois de février pendant 3 jours à Pantin.

Sources

Le Point

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