Rencontre avec Dominique Naert
Un an après l’incendie qui a ravagé une partie de la cathédrale la plus célèbre de France, nous sommes allés à la rencontre de ceux qui oeuvrent, de près ou de loin, pour sa reconstruction. Le premier volet de notre série s’intéresse à Dominique Naert, spécialiste en restauration de Monuments historiques.
Pendant près de 50 ans, Dominique Naert s’est intéressé aux monuments historiques. Maçon et tailleur de pierre de formation, sa formation au sein des Compagnons du Devoir lui a permis d’acquérir une expertise solide dans le domaine des monuments. Aujourd’hui il nous livre son avis et sa vision sur le chantier du siècle.
Les Compagnons du Devoir au coeur de l’ouvrage
La phase de consolidation de l’édifice, brutalement stoppée par l’épidémie de COVID-19, devait débuter dans quelques semaines. Cette première étape allait permettre aux cordistes d’ôter les échafaudages, soudés entre eux depuis l’incendie. Comme l’avait expliqué un proche du chantier, tant que cette étape n’est pas menée à bien, Notre-Dame ne peut être sauvée. Dominique Naert intervient, quant à lui, au niveau de la formation des corps de métier issus des Compagnons du Devoir. Entre autres, maçons, tailleurs de pierres, charpentiers, couvreurs et vitraillistes.
En lien étroit avec ces corporations d’artisans, il explique que des techniques traditionnelles pourront être amenées à être utilisées sur le chantier. Et l’élément le plus difficile à reconstruire ? « La charpente, sans nul doute. Mais rien n’est compliqué lorsque vous connaissez votre sujet ». Sa seule crainte, que Notre-Dame de Paris s’accapare l’ensemble des travailleurs compétents, au détriment d’autres chantiers. Par cette restauration hors norme, il espère sensibiliser les jeunes générations aux métiers manuels. Dans le meilleur cas, profiter de cela pour former des charpentiers, menuisiers, maçons, tailleurs de pierre et couvreurs. Les Compagnons du Devoir oeuvrent, en effet, depuis le Xème siècle à la transmission de ces savoirs traditionnels. « Le milieu a peut être été oublié, mais il a toujours été actif » complète-t-il.
Par la suite, des entreprises qualifiées et reconnues interviendront sur le chantier. Parmi elles se trouveront les fameux Compagnons. Et pour ces dernières, la sélection est rude et soumise à de nombreuses vérifications. Par exemple, la participation sur des projets de restauration de monuments historiques, la qualité des travailleurs, les certificats obtenus, les parrainages par des entreprises déjà qualifiées… Toutes ces prérogatives sont d’autant des contraintes que des gages d’excellence. Elles assureront le bon déroulement des travaux.
La cathédrale à l’identique ?
Lorsque nous lui demandons si Notre-Dame sera reconstruite à l’identique, il nous explique: « il y a une loi spécifique sur les monuments historiques qui doit être respectée. Il y a aussi une loi spécifique sur Notre-Dame et à ce titre-là, les choses seront très encadrées ». Il fait ici référence à la charte de Venise de 1964, charte internationale, qui impose en particulier « que l’on restaure les monuments historiques dans le dernier état connu ». De cette manière, la flèche de Viollet-le-Duc devrait voir le jour une seconde fois.
L’architecte en chef devrait trancher rapidement tant cette question est sur toutes les lèvres. Quelle que soit la décision prise par les hautes instances, des mesures seront évidemment à prendre en compte. Dans le cadre d’une reconstruction à l’identique, les architectes pourront s’aider de multiples relevés en 3D. Cependant, il semblerait qu’un choix ait été retenu concernant la charpente. D’après l’Ordre des architectes, le bois serait préconisé. La Forêt sera donc reconstruite à l’identique, et les chênes, eux, déjà choisis.
Quant à la durée des travaux, il estime que la cathédrale peut être reconstruite avant 2024. Deux ans et demi seront nécessaires à l’ensemble des travaux de consolidation. « Mais il y a aussi un temps d’études, un temps de réflexion, de reconstitution, une dimension administrative à prendre en considération. » ajoute-t-il.